L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
        
        
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          naturelle que les humains exercent les uns sur les autres est renforcée
        
        
          quand les échanges sont brefs et les locaux étroits (
        
        
          a fortiori
        
        
          lorsque l’on
        
        
          est à moitié sourd). La décrispation apparaît lorsque l’espace augmente
        
        
          et que les délais s’allongent.
        
        
          Dans l’entreprise, le manager est de plus en plus un gestionnaire de
        
        
          crises toujours plus menaçantes et toujours plus nombreuses. S’il veut
        
        
          garder son équilibre, mais également son efficacité, il doit absolument
        
        
          développer en lui une passion du recul.
        
        
          Car plus le monde est plein et plus il faut savoir faire en soi le vide.
        
        
          C
        
        
          roissance
        
        
          La meilleure façon de comprendre la santé, c’est d’avoir côtoyé person-
        
        
          nellement la maladie. Le meilleur moyen de saisir le développement
        
        
          durable, c’est de vivre personnellement dans le provisoire. Or le sens
        
        
          de l’éphémère n’a jamais été aussi bien partagé que par les hommes de
        
        
          notre génération. C’est un peu comme si nous assistions en direct à la
        
        
          fin de l’Empire romain : une fin d’Empire qui ne s’étendrait pas sur quatre
        
        
          siècles mais sur vingt ans.
        
        
          Appelons quelques chiffres : depuis un siècle, l’être humain a grandi en
        
        
          moyenne de vingt-cinq centimètres, il a pris en moyenne un surpoids
        
        
          de vingt-cinq kilos, son espérance de vie a augmenté elle aussi de vingt-
        
        
          cinq ans. Cela fait beaucoup de vingt-cinq. Mais la population du monde
        
        
          n’a pas augmenté, elle, de 25 %, mais de près de 500 %. On se plaint
        
        
          beaucoup en France de la baisse du pouvoir d’achat mais le PIB mondial,
        
        
          lui, a augmenté en un siècle de 5 000 % en parité de pouvoir d’achat. Le
        
        
          nombre de chercheurs, de professeurs, de connaissances scientifiques ou
        
        
          de productions culturelles a explosé bien plus encore.
        
        
          Si la température de l’eau s’approche ainsi du point d’ébullition, la taille
        
        
          de la planète n’a quant à elle pas augmenté d’un centimètre. Le nombre
        
        
          de mètres carrés cultivables n’a pas doublé. Il semblerait même qu’il ait
        
        
          légèrement diminué, sur un sol plus pollué, ruiné par l’érosion, épuisé par
        
        
          le surmenage. Le nombre de mètres cubes de pétrole, de gaz naturelou
        
        
          d’eau potable n’a pas progressé de 25 %. Il a même diminué de moitié
        
        
          depuis le début du xx
        
        
          e 
        
        
          siècle. Le cuivre, le caoutchouc, l’uranium et
        
        
          même l’air non pollué sont en passe de devenir des ressources en voie