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          D
        
        
          ictionnaire
        
        
          des mots
        
        
          en
        
        
          voie
        
        
          de
        
        
          disparition
        
        
          siècles. L’Histoire de France, comme celle de l’Égypte, fut par exemple
        
        
          une longue succession de monarques de « droit divin », auxquels on
        
        
          coupa quelquefois la tête avec le soutien actif de l’Église, dont la France
        
        
          est la « fille aînée » et qui est elle aussi construite comme une pyramide.
        
        
          À travers le catholicisme, c’est la structure de l’Empire romain qui se
        
        
          perpétue.
        
        
          Tsar
        
        
          en russe signifie César. Napoléon appelle son fils le « Roi
        
        
          de Rome » et Hitler veut construire pour mille ans un troisième Reich
        
        
          (après le second, celui de Charlemagne et le premier, celui de Rome).
        
        
          Centrée autour du pape ou de l’empereur, l’histoire européenne est quel-
        
        
          quefois ensanglantée par l’hérésie réprimée sans pitié. Mais qu’est-ce que
        
        
          l’hérésie arienne, albigeoise ou cathare sinon une tentative désespérée
        
        
          pour rendre l’individu à son destin ? Quel est le vrai débat social qui sous-
        
        
          tend le concile de Nicée voulu par Constantin en 325 sur la question de
        
        
          la consubstantialité du Père et du Fils ? La vraie question n’est-elle pas
        
        
          celle d’un modèle de société compatible avec la liberté de l’individu ?
        
        
          Car si le fils, fait homme, n’existe pas vraiment indépendamment de son
        
        
          père qui l’incorpore et dont il partage l’étoffe divine, comment chacun
        
        
          de nous pourrait-il prétendre exister indépendamment de la tutelle de
        
        
          l’État ou de l’Église (ou ce qui la remplace aujourd’hui, le conglomérat
        
        
          journalistes-enseignants-hauts fonctionnaires) ? Qu’est-ce que l’hérésie
        
        
          protestante, que ne pouvait sentir « le Roi Soleil », sinon, au-delà de la
        
        
          tentative d’intrusion du libéralisme anglo-saxon en France, une volonté
        
        
          désespérée d’échapper à l’étouffement de la logique pyramidale ?
        
        
          L’automobile, le téléphone, la mondialisation polycentrique ont déjà mis
        
        
          du plomb dans l’aile du modèle hiérarchique, même si on a pu croire un
        
        
          temps, au xx
        
        
          e
        
        
           siècle, que la télévision et sa confiscation par le pouvoir
        
        
          central allait rouvrir la porte aux dictateurs (comme c’est encore souvent
        
        
          le cas en Amérique du Sud ou en Afrique). La véritable fin du système
        
        
          des castes en Europe, c’est en fait pour aujourd’hui, avec le débarque-
        
        
          ment du Web 2.0, de Facebook et des réseaux sociaux. Le jour où il n’y
        
        
          aura plus de centres ni de hub (« tous les chemins mènent à Rome »),
        
        
          l’Empire romain et l’Église catholique (sa version « intériorisée ») auront
        
        
          définitivement cessé d’exister.
        
        
          En attendant, l’Europe souffre de schizophrénie, et plus singulièrement la
        
        
          France. Héritière à la fois de César et de Clovis, la France se veut à la fois im-
        
        
          périale et franque, « Franc » venant d’unmot qui signifie « homme libre »
        
        
          en… franc. L’Europe procède à la fois du polythéisme grec et de la cen-
        
        
          tralisation romaine. La paix sociale et la cohésion de nos « démocraties»