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          D
        
        
          ictionnaire
        
        
          des mots
        
        
          en
        
        
          voie
        
        
          de
        
        
          disparition
        
        
          Chaque année, à l’automne, pour ne pas dire à la rentrée des classes,
        
        
          une crise majeure fait son apparition. Le 11 septembre 2001, la chute
        
        
          des tours de Manhattan amorce le commencement de la « Troisième
        
        
          Guerre mondiale » (la fameuse guerre entre les riches et les pauvres).
        
        
          À l’automne 2007, le rapport du GIEC décrit, au détour de l’analyse
        
        
          du réchauffement climatique, le scénario de la « cinquième extinction
        
        
          massive des espèces ». À l’automne 2008, l’effondrement de la Bourse
        
        
          laisse entrevoir « la fin du capitalisme ». À l’automne 2009, on annonce, à
        
        
          propos du virus H1N1, la première « pandémie mondiale », version mo-
        
        
          derne de la Grande Peste du Moyen Âge. Septembre n’est pas seulement
        
        
          le mois où chaque année sortent les derniers livres d’Amélie Nothomb et
        
        
          de Jacques Attali (sans oublier la plaquette de l’Institut François Bocquet).
        
        
          C’est également le mois des crises majeures qui font trembler le monde.
        
        
          À côté de ces tsunamis planétaires fourmillent les crisettes du quoti-
        
        
          dien. Les grandes ruptures, professionnelles ou privées, sont devenues si
        
        
          banales que deux lois viennent d’être promulguées pour les faciliter : une
        
        
          sur la rupture conventionnelle au travail et une sur le divorce à l’amiable
        
        
          à la maison. Le rythme du changement augmente en entreprise. La pres-
        
        
          sion est toujours plus intense à l’école. La fréquence des événements
        
        
          majeurs s’accélère : déménagement, changement de travail, rencontre
        
        
          formidable. La vie ordinaire de chacun est bouleversée de plus en plus
        
        
          ordinairement.
        
        
          Le
        
        
          
            temps du provisoire
          
        
        
          semble donc s’installer de façon durable.
        
        
          L’
        
        
          
            interruption
          
        
        
          est en effet partout : dans les appels et les textos qui
        
        
          se bousculent sur votre iPhone, dans les e-mails qui bipent de façon
        
        
          pressante en bas à droite de votre écran, dans les urgences qui frappent
        
        
          à votre porte, laquelle d’ailleurs n’existe plus dans les bureaux panora
        
        
          miques. Se concentrer 30 minutes d’affilée pour lire un chapitre en entier
        
        
          ou écouter une œuvre musicale intégrale est devenu de plus en plus
        
        
          improbable.
        
        
          Le cerveau humain aime les causes uniques, sans doute parce qu’il les
        
        
          comprend bien. En ce qui concerne ce qu’il faut bien appeler une épidémie
        
        
          de crises, il faut pourtant admettre la multiplicité des causes. Même si ces
        
        
          causes sont cousines et s’épaulent toutes un peu entre elles.
        
        
          
            1/ Le besoin d’adrénaline
          
        
        
          C’est bien connu : celui qui se shoote a besoin de sa dope. C’est vrai
        
        
          des individus. C’est vrai aussi de la collectivité tout entière. Et on voit