L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
        
        
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          émocratie
        
        
          La démocratie fut loin d’être la règle générale tout au long de l’Histoire.
        
        
          On la trouve chez les Phéniciens, les Athéniens et les Carthaginois ; plus
        
        
          tard en Hollande, en Suisse ou en Angleterre, presque toujours dans de
        
        
          petits États commerçants et prospères. À bien y regarder, elle s’inscrit en
        
        
          général dans un contexte précis caractérisé par un rapport économie/
        
        
          démographie particulièrement favorable. Qu’il s’agisse de l’Athènes de
        
        
          Périclès, de la Hollande du xvii
        
        
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          siècle ou de la Suisse d’aujourd’hui, la
        
        
          démocratie ne s’épanouit jamais autant que dans des pays à la fois riches,
        
        
          microscopiques et densément peuplés où tout le monde se fréquente
        
        
          et où tout le monde se connaît. Elle est l’expression politique des cités
        
        
          marchandes en plein boom économique.
        
        
          À l’horizon 2050, le rapport économie/démographie devient défavorable :
        
        
          La croissance démographique continue sur un territoire de plus en
        
        
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          plus exigu, grignoté à la fois par la désertification, l’appauvrissement
        
        
          des sols, l’urbanisation et plus tard la montée des océans.
        
        
          La reprise économique tant attendue n’est qu’une illusion. Si le PNB
        
        
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          mondial par habitant continue à grimper de façon théorique, c’est
        
        
          uniquement par l’artifice d’un décalage encore plus grand entre l’éco-
        
        
          nomie réelle et l’économie spéculative. En pratique, chaque humain
        
        
          dispose de moins en moins d’énergie : l’apogée de la consommation
        
        
          des ressources naturelles (le fameux « pic de Hubbert ») est en train
        
        
          d’être franchi en ce moment même. Cela signifie concrètement, pour
        
        
          chacun, de moins en moins de pétrole et de moins en moins de
        
        
          mètres carrés privés qui puissent être chauffés, climatisés ou alimentés
        
        
          en eau potable.
        
        
          La disparition des frontières n’arrange pas les choses. La démocratie,
        
        
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          comme l’amour, a besoin pour fleurir d’un endroit clos et relative-
        
        
          ment protégé, comme le furent jadis la Suisse ou les Îles britanniques.
        
        
          L’apparition d’un vaste empire cosmopolite, d’un capitalisme sans
        
        
          frontière, où plus personne ne reconnaît personnellement personne
        
        
          ne constituent pas pour la démocratie un contexte favorable. La
        
        
          raréfaction des sédentaires aux profits de nomades qui, comme des
        
        
          cigognes, migrent de pays en pays au gré des saisons touristiques ou
        
        
          des exonérations fiscales, est également contraire à la logique répu-
        
        
          blicaine où un petit nombre de personnes se partagent la gestion
        
        
          quotidienne de leur cité.