L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
        
        
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          dentité
        
        
          L’identité devient une sorte de constellation. À la manière d’un Lego, elle
        
        
          se construit et s’améliore chaque jour avec des matériaux divers. Certains
        
        
          sont d’ordre matériel comme des prothèses mécaniques, des cellules
        
        
          de souches ou des organes achetés au marché noir. D’autres sont imma-
        
        
          tériels comme un nom reluisant, un diplôme prestigieux, une légende
        
        
          célébrée par un biographe talentueux. Chacun veut se soustraire aux
        
        
          contraintes de l’identité unique devenue désuète et profiter des charmes
        
        
          de la multi-appartenance. Le golfeur Tigerwoods s’inscrit par exemple à la
        
        
          fois dans une tradition afro-américaine, asiatique, amérindienne et euro-
        
        
          péenne. Il est devenu aujourd’hui très commun d’être à la fois catholique
        
        
          pratiquant, homme d’affaires efficace, homosexuel malheureux et voisin
        
        
          exemplaire. À la manière d’un bouquet de fleurs, l’identité est devenue
        
        
          multiple. Elle peut également être simultanée ou alternative, de nom-
        
        
          breux individus menant, non une double vie, mais une vie quadruple,
        
        
          décuple, centuple, perdus au sein de labyrinthes qu’eux seuls semblent
        
        
          comprendre. L’identité devient bientôt peut-être aussi une marchandise à
        
        
          vendre. Nom, empreinte digitale, clone, biographie en pièces détachées :
        
        
          tout peut s’acheter, tout peut aussi se revendre sur le marché de l’occa-
        
        
          sion. Dans tous les cas, s’il est toujours possible d’être quelque chose, il
        
        
          devient de plus en plus rare de n’être que quelque chose. L’identité n’est
        
        
          plus un être : elle est un devenir.
        
        
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          mmobilisme
        
        
          C’est une véritable mégamétamorphose qui bouleverse les peuples
        
        
          et les institutions dans le premier xxi
        
        
          e 
        
        
          siècle : le temps semble soudain
        
        
          s’accélérer, tout devient éphémère, précaire, insaisissable. Les Terriens de
        
        
          cette époque sont à la fois déboussolés et fascinés de pouvoir vivre le
        
        
          temps d’une génération l’équivalent d’un millénaire de transformations
        
        
          technologiques, économiques ou culturelles. Mais seuls parviennent à
        
        
          tirer leur épingle du jeu ceux qui parviennent à se métamorphoser en
        
        
          permanence de l’intérieur, ceux dont la tolérance à l’incertitude leur
        
        
          permet de se renouveler en permanence.
        
        
          Les débuts du siècle qui commence se caractérisent par une succession
        
        
          de pics qui les font ressembler un peu à une chaîne de montagne comme
        
        
          l’Himalaya.