104
        
        
          D
        
        
          ictionnaire
        
        
          des mots
        
        
          en
        
        
          voie
        
        
          de
        
        
          disparition
        
        
          à l’humanité tout entière n’était envisageable que dans l’hypothèse
        
        
          de ressources illimitées. Les différentes « crises » du début du
        
        
          xxi
        
        
          e 
        
        
          siècle ne sont au fond que l’expression d’une incompatibilité
        
        
          profonde entre les appétits illimités d’un nombre toujours croissant
        
        
          d’individus et la taille limitée du gâteau à partager. L’enrichissement
        
        
          d’un Orient laborieux implique donc, de manière arithmétique,
        
        
          l’appauvrissement d’un Occident paresseux. Le malaise social vis-à-vis
        
        
          de la question des retraites n’est par exemple qu’une conséquence
        
        
          lointaine de cette évidence arithmétique.
        
        
          On sait que lorsque le nombre de rats enfermés dans une cage aug-
        
        
          mente au-delà d’un point critique, on voit se développer une multitude
        
        
          de comportements « aberrants » (comme le suicide ou le cannibalisme),
        
        
          dont le seul point commun est de recaler les besoins collectifs à l’échelle
        
        
          des ressources disponibles. L’individualisme est l’expression culturelle de
        
        
          la croissance économique. Il a toute sa place dans un eldorado désert
        
        
          comme le furent les Amériques. Il serait suicidaire dans un écosystème
        
        
          comme celui de l’Uttar Pradesh en Inde ou comme celui de l’Afrique
        
        
          subsaharienne.
        
        
          L’individualisme nous expose donc à un dilemme fondamental : il conduit
        
        
          à l’Apocalypse, mais en même temps il a le goût si sucré qu’il est devenu
        
        
          le sens irréversible de l’histoire.
        
        
          Pour échapper aux temps obscurs d’un nouveau Moyen Âge, trois scé-
        
        
          narios subsistent :
        
        
          – autoriser de grandes et terribles inégalités entre des masses affamées
        
        
          et une élite privilégiée (dont vous ferez bien sûr partie) avec les troubles
        
        
          sociaux et les guerres civiles que cela suppose ;
        
        
          – réduire massivement la population (l’écologiste français Yves Cochet
        
        
          propose « la grève du 3
        
        
          e 
        
        
          ventre » en supprimant les allocations familiales
        
        
          au-delà de 2 enfants ; le gouvernement chinois impose depuis plusieurs
        
        
          décennies déjà la politique de l’enfant unique) : il faudrait pour cela
        
        
          remettre en cause nos dogmes idéologiques et restreindre le droit des
        
        
          individus à se reproduire comme des lapins ;
        
        
          – inventer une idéologie nouvelle qui fera en quelque sorte la synthèse
        
        
          entre l’individualisme (mortel) et le sens du collectif (frustrant), une
        
        
          religion nouvelle qui synchrétisera les exigences de l’environnement avec
        
        
          celles de la personne humaine, les idéaux de l’Occident et de l’Orient,
        
        
          le salut personnel promis par le christianisme avec la discipline sociale
        
        
          préconisée par le confucianisme.