L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
        
        
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          I
        
        
          il faut remette la chaîne
        
        
          à la main,
        
        
          le chocolat chaud
        
        
          maison,
        
        
          le marché
        
        
          du dimanche matin avec un vieux panier d’osier déniché dans un vide-
        
        
          grenier, la pétanque du dimanche après-midi avec des copains en béret,
        
        
          le sourire énigmatique de la bouchère, l’écoute attentive du psy, les doigts
        
        
          délicats de la réflexologue qui se promènent sur la plante de vos pieds.
        
        
          À l’industrie de la matière a succédé à la fin du xx
        
        
          e 
        
        
          siècle une
        
        
          industrie de
        
        
          la connaissance
        
        
          qui est relayée progressivement par une
        
        
          économie de la
        
        
          reconnaissance.
        
        
          Dans une Europe saturée de matière et dépourvue de
        
        
          pétrole, l’économie du xxi
        
        
          e
        
        
           siècle sera relationnelle ou ne sera pas.
        
        
          À la fin du xx
        
        
          e
        
        
           siècle, l’énergie peu coûteuse autorisait les mécanos géants,
        
        
          la production industrielle de masse, le développement bureaucratique,
        
        
          les administrations à la française, la multiplication des
        
        
          intermédiaires
        
        
          et donc, des situations de rente et la culture du mépris propre aux
        
        
          organisations centralisées.
        
        
          Ces maillages étendus exigeaient des déplacements nombreux et
        
        
          lointains qui impliquaient à leur tour un grand nombre d’automobiles
        
        
          individuelles, de TGV ou d’Airbus A300-quelque chose. Le serpent se
        
        
          mordait avec obstination la queue : on se déplaçait toujours plus afin de
        
        
          produire toujours plus de moyens de transports, lesquels supposaient
        
        
          toujours plus de déplacements d’affaires et de mouvements circulaires.
        
        
          Les hommes tourbillonnaient à cette époque comme des électrons dans
        
        
          un atome ou des moucherons devant des phares allumés. Évidemment
        
        
          tout cela supposait des relations personnelles plutôt…impersonnelles.
        
        
          Pierre qui roule n’amasse pas mousse.
        
        
          Le pic du pétrole et son renchérissement induisent en revanche un
        
        
          raccourcissement des
        
        
          chaînes logistiques
        
        
          (transports, approvisionnement,
        
        
          distribution) : une escalope de dinde ou une mangue prédécoupée ne
        
        
          pourront plus longtemps parcourir 10 000 km pour parvenir dans votre
        
        
          assiette après un voyage digne d’Ulysse entre des containers multicolores,
        
        
          les docks de Singapour, de Rotterdam ou d’Anvers, la centrale d’achat de
        
        
          Carrefour et les rayonnages promotionnés pour les fêtes de Noël.
        
        
          Par ailleurs les nouvelles technologies, couplées aux exigences d’une
        
        
          économie des services, induisent un
        
        
          raccourcissement des circuits
        
        
          d’information et de décision.
        
        
          Le
        
        
          multiNet
        
        
          (Internet, Intranet, Extranet,
        
        
          etc.) permet de tout savoir tout de suite et de prendre une décision
        
        
          immédiatement. Ça tombe bien : c’est exactement ce qu’exige votre
        
        
          client. Votre client a (comme vous-même, avouez-le) toujours un peu
        
        
          moins de temps à perdre, comme si le phénomène de
        
        
          rétrécissement de
        
        
          l’Espace
        
        
          se compliquait d’un phénomène de
        
        
          compression du Temps.