L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
        
        
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          nvisibilité
        
        
          Un nouveau matériau pourrait bien provoquer une nouvelle révolution
        
        
          des mœurs. Isolé en 2004 à l’université de Manchester, le graphène est un
        
        
          cristal bidimensionnel extrait du graphite, dont il représente un feuillet de
        
        
          l’épaisseur d’une couche d’atome. Sa production est aujourd’hui encore
        
        
          très difficile : un mètre carré de graphène pur reviendrait à 600 milliards
        
        
          d’euros. Mais les coûts de production pourraient baisser très rapidement
        
        
          et ses propriétés physiques sont extrêmement intéressantes. 200 fois plus
        
        
          résistant que l’acier, il ne s’échauffe pas au passage des électrons quand on
        
        
          l’utilise comme transistor. Le graphène étant un cristal bidimensionnel,
        
        
          les électrons peuvent pourtant s’y déplacer à la vitesse de 1 000 km/s
        
        
          -1,
        
        
          soit 30 fois la vitesse des électrons dans le silicium. Comme le silicium, il
        
        
          peut être produit en quantité pratiquement illimitée. Il peut enfin servir
        
        
          à fabriquer des écrans de l’épaisseur d’un feuillet de journal quotidien qui
        
        
          pourraient, comme eux, être enroulés ou pliés sous le bras quand on se
        
        
          jette du café du matin à la rame de métro qui s’impatiente.
        
        
          À plus long terme, on pourrait imaginer des vêtements entiers tissés dans
        
        
          une étoffe de graphène. Ce que les générations précédentes appelaient
        
        
          encore l’ordinateur, après avoir réussi sa fusion avec la boîte à musique,
        
        
          l’appareil photo, le caméscope, le téléphone, la télévision, le cinéma, la
        
        
          presse, les librairies et les bibliothèques, accomplirait ainsi son intégra-
        
        
          tion à l’habillement. La conquête pourrait alors se prolonger à tous les
        
        
          moyens de transports automobiles, aéronefs ou sous-marins. Et nos voi-
        
        
          tures comme nos chemises pourraient fort bien devenir également des
        
        
          écrans. Écran publicitaire peut-être : nos tee-shirts pourraient alors être
        
        
          gratuits, en contrepartie d’un peu de publicité pour Orange ou le Conseil
        
        
          régional du Nord-Pas-de-Calais. Mais surtout, équipés de nano-caméras
        
        
          par devant nous, ils pourraient afficher dans notre dos l’image de ce qui
        
        
          se présente à nos yeux, de même qu’ils pourraient afficher pour ceux qui
        
        
          nous observent l’image de ce qui se passe en réalité derrière nous. Nous
        
        
          pourrions de cette façon devenir assez commodément indétectables à
        
        
          l’œil, même s’il n’est pas encore question, à ce stade, de nous traverser
        
        
          sans dommage comme le sabre inoffensif du prestidigitateur ou de jouer
        
        
          au passe-muraille comme Garou-Garou l’homme invisible (les réserves
        
        
          d’or américaines de Fort Knox attendront). De la même façon les chars
        
        
          de combat, comme les jets privés ou les yachts de milliardaire, pourraient
        
        
          se soustraire à l’observation ordinaire. On pourrait même imaginer des
        
        
          îles flottantes ou sous-marines complètement invisibles : tout ceci n’est