L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
        
        
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          Les besoins en formation de l’humanité seront bientôt tels que l’appren-
        
        
          tissage ne pourra plus être concentré pendant l’enfance. La formation
        
        
          continue tout au long de la vie s’impose déjà demanière évidente, d’autant
        
        
          plus que les savoirs scientifiques, technologiques ou économiques se
        
        
          périment beaucoup plus vite que la grammaire ou l’Histoire de France
        
        
          de Jules Ferry. L’école, telle que vous la connaissez, matérialisée par des
        
        
          murs, localisée dans l’espace et dans le temps, va devoir céder la place à
        
        
          un système éducatif omniprésent touchant l’ensemble de la population
        
        
          de tout âge, en tous lieux et à chaque instant. À l’inverse de ce qui se
        
        
          pratique aujourd’hui, le temps non-éducatif va devoir se programmer et
        
        
          s’organiser méthodiquement. Les « récréations » vont devenir un produit
        
        
          marchand, peut-être un produit de luxe, commercialisé par des entreprises
        
        
          spécialisées dans l’art du vide et du recueillement, dans l’organisation de
        
        
          retraites silencieuses ou de pèlerinages à Saint-Jacques-de-Compostelle
        
        
          sans autre but que de vider l’esprit de leurs courageux marcheurs.
        
        
          Les systèmes éducatifs actuels, tout au moins en France, ont l’inconvé-
        
        
          nient de faire primer l’obligation de moyens sur l’obligation de résultats.
        
        
          Souvent le folklore, le jeu social et la mythologie de l’école républicaine
        
        
          avec son tableau noir version Petit Nicolas, ses classes de 30 élèves en
        
        
          culotte courte et ses maîtresses en tablier y priment sur l’efficacité. Le
        
        
          non-dit de l’école française est qu’elle se préoccupe encore surtout de
        
        
          véhiculer de génération en génération une organisation sociale fondée
        
        
          sur le respect aveugle de la hiérarchie et de l’autorité du statut de fonc-
        
        
          tionnaire. Le meilleur exemple est peut-être celui de l’apprentissage des
        
        
          langues où la méthode de la classe bondée ne sert strictement à rien. Il
        
        
          faudrait soit donner des cours particuliers, soit emmener toute la classe
        
        
          au cinéma, soit envoyer les élèves dans des familles étrangères (ce qui
        
        
          est fait quelquefois mais trop rarement). L’école républicaine, prisonnière
        
        
          de considérations idéologiques, égalitaires et pyramidales à la fois, ne
        
        
          peut s’empêcher d’offrir des principes sur l’égalité des chances là où il
        
        
          faudrait de la pédagogie individuelle, des « maîtres » là où il faudrait des
        
        
          éducateurs, des salles de classe, des horaires de cours et des programmes
        
        
          ministériels là où il faudrait de l’éducation sur-mesure.
        
        
          Le financement de l’éducation soulève des débats sans fin. Vaut-il mieux
        
        
          privilégier une organisation publique avec éventuellement des bourses
        
        
          offertes aux plus méritants ou une organisation privée avec éventuelle-
        
        
          ment l’introduction en Bourse d’actions sur la future carrière d’un jeune
        
        
          surdoué ? Ce débat éternel, fluctuant en fonction des pays et des mi-