L'art de se faire des ennemis - page 54

De la même façon que, dans la vie professionnelle, l’ave-
nir n’est pas à l’emploi mais aux activités, il n’est, dans la
vie relationnelle, pas au conjoint monolithique mais aux
partenaires complémentaires. Ce n’est pas en effet parce
qu’une fille ou un garçon vous tape dans l’œil qu’une
discussion, un voyage ou cohabitation en sa compagnie
sera nécessairement un grand plaisir. Pourquoi ne pas
discuter avec une intellectuelle spécialisée dans les
débats d’idées, cohabiter avec une ménagère parfaite
et partir en vacances avec une aventurière ? Pourquoi
passer obstinément ses semaines et ses week-ends avec
le même partenaire alors que ces différents emplois
requièrent des profils complètement différents ?
Un excellent moyen d’échapper à l’ennui, un remar-
quable principe d’ouverture, est celui qui consiste à
mener de front plusieurs relations complémentaires. Qui
dit polygamie (ou plus exactement «
polyphilie
») ne dit
en effet pas nécessairement harem ni débauche sexuelle.
Il n’est que l’aboutissement normal de l’homme interactif
qui au-delà d’une « hyperliberté » grisante mais dange-
reuse a su construire un petit lot de relations authen-
tiques.
Le mythe parental du conjoint, comme la chimère socio-
économique de l’emploi, ont fait beaucoup de mal dans
la mesure où ils s’inspirent d’un principe d’unicité. Or
une relation vraie ne peut être construite que dans la
pluralité car notre génome et notre expérience sont
uniques, aucun profil ne se superpose au nôtre et l’être
avec lequel on communiquera le mieux sera nécessaire-
ment différent de celui avec lequel on cohabitera le
mieux, etc.
La limite d’une relation est non seulement une des condi-
tions de son existence, c’est aussi la meilleure garantie de
sa réussite.
L’aboutissement normal de l’ouverture, c’est la pluralité.
L’art de se faire des ennemis
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