182
        
        
          D
        
        
          ictionnaire
        
        
          des mots
        
        
          en
        
        
          voie
        
        
          de
        
        
          disparition
        
        
          Un certain nombre de métiers ont d’ores et déjà abandonné le modèle
        
        
          salarial. Les intermittents du spectacle, les pigistes de la presse ou du web,
        
        
          les infographistes et les publicitaires, les formateurs vacataires, les déve-
        
        
          loppeurs en freelance, nombres d’infirmières ou de psychothérapeutes,
        
        
          les « conseils » ou les « coaches » de tout poil ont par exemple depuis
        
        
          longtemps abandonné le rêve du CDI bien chaud. Dans ces métiers où
        
        
          se croisent travailleurs indépendants, professions libérales, collaborateurs
        
        
          en portage ou micro-entrepreneurs, chacun est entrepreneur de soi-
        
        
          même. La précarité est devenue la norme. Elle est simplement compen-
        
        
          sée par d’autres satisfactions : l’intérêt humain du travail par exemple ou
        
        
          la faiblesse des tensions du quotidien entre collègues. Les
        
        
          missions
        
        
          ont ici
        
        
          remplacé la traditionnelle
        
        
          fonction
        
        
          , les projets se renouvellent, le métier
        
        
          évolue tout le temps, les rencontres sont nombreuses. La communauté
        
        
          est remplacée ici par un réseau en reconstitution permanente. La vie de
        
        
          bohême connaît des avantages et ignore souvent l’ennui.
        
        
          Ces professions concernent aujourd’hui surtout les artistes ou tra-
        
        
          vailleurs intellectuels, moins les travailleurs manuels, les commerciaux,
        
        
          les stratèges, les gestionnaires de la marque qui doivent valoriser leur
        
        
          sentiment d’appartenance, leur loyauté à l’entreprise ou leur portefeuille
        
        
          de relations.
        
        
          La relation patron/salarié qui a été le cas général depuis la Révolution
        
        
          industrielle est en passe de devenir un cas particulier réservé aux
        
        
          « personnes-clefs » d’une entreprise. Inversement, le statut précaire
        
        
          de l’indépendant va progressivement redevenir le cas général, comme
        
        
          il l’était déjà avant la Révolution industrielle, lorsque les « journaliers » et
        
        
          « laboureurs » du xviii
        
        
          e 
        
        
          siècle venaient proposer leurs bras pour quelques
        
        
          jours ou quelques semaines à l’époque des moissons.
        
        
          Les relations professionnelles n’ont jamais été aussi faciles. Elles n’ont jamais
        
        
          été aussi précaires. Et si l’un n’était que la contrepartie de l’autre ?
        
        
          S
        
        
          édentarité
        
        
          Notre monde est en train de devenir nomade : nomadisme résidentiel,
        
        
          nomadisme professionnel, nomadisme sentimental. Tout devient conti-
        
        
          nuellement mouvant à la manière de la lave en fusion sous l’écorce
        
        
          terrestre, à la façon des turbulences nuageuses telles que les cartes météo