L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
        
        
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          alaire
        
        
          En France, toutes les ruptures professionnelles ressemblent aux divorces
        
        
          sanglants d’autrefois, peut-être précisément parce que toutes les
        
        
          embauches y ressemblent aux « mariages pour la vie » de naguère.
        
        
          Le mariage pour la vie (pardon, le CDI) est cependant de plus en plus
        
        
          inadapté aux contextes nouveaux pour au moins 3 raisons :
        
        
          1/ Tout évolue à toute allure et aucune entreprise ne peut plus garantir
        
        
          l’emploi à vie avec des rites immuables. L’accélération du temps provo-
        
        
          quée par la suppression des frontières, l’emballement technologique,
        
        
          l’explosion démographique et la cyclothymie économique induisent
        
        
          énormément d’instabilité. Bien des petites entreprises de service ne
        
        
          peuvent aujourd’hui offrir rien d’autre que des missions ponctuelles et
        
        
          diversifiées en place et lieu des fonctions clarifiées d’autrefois.
        
        
          2/ Le télétravail (qui représente déjà plus de la moitié des emplois aux
        
        
          Pays-Bas en 2009) induit un mode de fonctionnement difficilement
        
        
          compatible avec le statut de salarié. Les notions d’horaires et de lieu de
        
        
          travail n’ont alors plus beaucoup de sens. Le contrôle devient difficile.
        
        
          L’obligation de résultat remplace l’obligation de moyens. On se trouve
        
        
          typiquement dans une relation de client/fournisseur.
        
        
          3/ Les relations de subordination sont demoins enmoins bien supportées
        
        
          culturellement par les salariés, surtout lorsqu’ils ont plus de quarante ans,
        
        
          qu’ils ont déjà fait leurs preuves et qu’ils sont compétents. Ces relations
        
        
          de subordination entrent en effet en contradiction avec l’aplatissement
        
        
          des hiérarchies induite par l’horizontalité des architectures en réseaux.
        
        
          Avant la diffusion du Net et des mobiles, le statut de « chef » avait une
        
        
          justification : celle de noyauter la coordination. Quand le court-circuitage
        
        
          devient non seulement une possibilité mais aussi une nécessité pour ga-
        
        
          gner en vitesse ou en productivité, le chef statutaire devient un gêneur,
        
        
          une nuisance, le rentier abusif, inutile et nuisible d’une situation nodale.
        
        
          Les Néerlandais ou les Anglo-Saxons, qui sont culturellement formatés
        
        
          aux organigrammes aplatis, adhèrent spontanément à cette philosophie,
        
        
          d’où leur avance en matière de télétravail. Pour les Nippons ou les Latins,
        
        
          habitués depuis l’enfance au culte de la hiérarchie, au respect incondi-
        
        
          tionnel de l’autorité parentale, patronale ou magistrale, le changement
        
        
          culturel, nécessaire, doit se faire dans les douleurs de la métamorphose.