L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
        
        
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          prospères, démocratiques et bien organisés. À bien y regarder, la vie
        
        
          n’y est pas très agréable. Au Kirghizistan par exemple, on ne peut pas
        
        
          vraiment dire que le climat soit particulièrement clément, les terres
        
        
          fertiles, la liberté de s’exprimer ou d’entreprendre encouragée. À vrai
        
        
          dire, l’exportation des pauvres dans ces États-ghettos ressemble fort
        
        
          aux mécanismes par lesquels, depuis quelques décennies, les entreprises
        
        
          multinationales « externalisent » leur production vers une périphérie
        
        
          de sous-traitants sous-payés afin de leur faire porter le poids du risque
        
        
          économique et des complications sociales. Une nouvelle nation n’est
        
        
          bien souvent rien d’autre qu’une république bananière, une zone de non-
        
        
          droit où des seigneurs de guerre, appuyés sur une famille nombreuse ou
        
        
          un clan très fermé, font régner la terreur pour leur plus grand bénéfice
        
        
          et pour celui de multinationales étrangères auxquels les lient des pactes
        
        
          secrets. On y trouve un parfum de Moyen Âge européen, celui d’avant
        
        
          les croisades, quand les seigneurs (on ne s’en était pas encore débarrassé
        
        
          en les envoyant à Jérusalem) asservissaient toute une population au
        
        
          service de leur bon plaisir.
        
        
          Dans tous les cas, il y a clairement aujourd’hui une volonté de sécession
        
        
          des riches.
        
        
          La fragmentation de ces fragments pourrait à l’avenir continuer encore,
        
        
          tribu contre tribu, exactement comme à l’époque romaine ou à la
        
        
          grande époque chinoise, où les empires étaient entourés de principautés
        
        
          barbares incapables de s’organiser entre elles. C’est dans le camp des
        
        
          pauvres que le nombre de nations risque encore d’exploser.
        
        
          
            L’Empire
          
        
        
          Au centre, en revanche, une entité politique cohérente, qu’on pourrait
        
        
          qualifier d’« Empire » en raison de sa puissance dominante ne cesse
        
        
          de progresser en terme de cohérence et d’intégration. À l’inverse des
        
        
          pays pauvres, les pays développés s’organisent en entités supranationales
        
        
          comme le G8, le G20 ou l’Union Européenne pour des raisons évidentes
        
        
          d’efficacité économique et prochainement écologique. L’élite de ces pays
        
        
          est foncièrement cosmopolite. Elle parle plusieurs langues, goûte à toutes
        
        
          les cuisines, voyage continuellement d’une capitale à l’autre, dispose d’un
        
        
          réseau international de relations précieuses. Ces nomades privilégiés sont
        
        
          des citoyens du monde. Ils ne se reconnaissent dans aucun drapeau. Le
        
        
          nationalisme les écœure. La Marseillaise avec sa sombre histoire de « sang
        
        
          impur qui abreuve nos sillons » leur semble profondément ridicule. Ils