L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
        
        
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          Tant qu’il n’y aura pas de monnaie mondiale, il y aura des spéculateurs
        
        
          pour jouer une monnaie contre une autre et s’enrichir au détriment des
        
        
          autres. Après une série de soubresauts économiques de plus en plus
        
        
          violents (dont le crash boursier de septembre 2008 n’est que le premier
        
        
          épisode), le consensus finit par s’imposer...
        
        
          On peut imaginer une première étape avec l’apparition de monnaies
        
        
          continentales. L’euro fait des émules en raison de la stabilité économique
        
        
          qu’il apporte dans les turbulences. L’Afrique crée l’afro, l’Asie, l’asio,
        
        
          l’Amérique, l’améro (et non pas l’apéro, ce qui désigne tout autre chose).
        
        
          Ensuite, au sein d’un centre économique cohérent, l’Empire, qui regroupe
        
        
          les pays développés et les pays en voie de développement sérieux, est
        
        
          instituée une monnaie unique que l’on pourrait appeler le cosmo,
        
        
          appellation plus euphonique que celles de l’eurodollar ou du Bancor
        
        
          dont Keynes rêvait.
        
        
          Mais souvent le contraire appelle le contraire, comme dans un concerto
        
        
          de Bach le contrepoint. On peut donc supposer que le mouvement
        
        
          général d’intégration au centre sera accompagné de la tentation inverse
        
        
          à la périphérie. Déjà à Vancouver, en Ariège ou à Strasbourg, de petites
        
        
          communautés commercent entre elles avec un Système d’Échange
        
        
          Local, le SEL. Déjà les grandes entreprises commencent à s’associer entre
        
        
          elles autour de véritables monnaies privées sous forme de cartes de
        
        
          crédit comme celle d’Aéroplan au Canada ou de Total en France pour
        
        
          mutualiser des miles ou des points d’achats.
        
        
          De lamême façon, on peut imaginer que la surmonétarisation, c’est-à-dire
        
        
          l’intégration à l’économie de marché d’un tas de services qui jusque-là y
        
        
          échappaient (visite des ressources culturelles d’un pays, sourire à l’accueil,
        
        
          verre d’eau dans un café, hotline efficace et rapide, relations humaines
        
        
          bienveillantes et personnalisées) s’accompagnera de son inverse, c’est-à-
        
        
          dire d’expériences locales pour se soustraire aux lois de la monnaie. Le
        
        
          bénévolat, le troc, l’échange informel de services, pratiques éprouvées
        
        
          depuis la nuit des temps, restent possibles au sein d’une communauté
        
        
          restreinte comme celle d’une famille ou d’un petit village isolé.
        
        
          Il se passera en gros la même chose que pour les langues. Une monnaie
        
        
          internationale, à l’instar d’un globish international, cohabitera avec des
        
        
          particularismes à valeur affective comme nos dialectes alsaciens, ch’tis
        
        
          ou bretons.
        
        
          Dans tous les cas, la monnaie nationale telle que nous la connaissons
        
        
          sous la forme actuelle de l’euro ou du dollar semble promise à une
        
        
          disparition prochaine.