L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
        
        
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          L’ubiquité concerne d’abord bien entendu les entreprises, leurs
        
        
          fournisseurs et leurs clients. Pourvu qu’il y ait par-ci par-là quelques
        
        
          plateformes logistiques bien gérées, la plupart des entreprises peuvent dès
        
        
          aujourd’hui se réduire à un seul individu mobile équipé d’un téléphone
        
        
          et d’un ordinateur, les trois machines étant amenées d’ailleurs à fusionner
        
        
          prochainement grâce aux progrès de l’implant cérébral. Cet individu
        
        
          mobile peut être alors en mouvement perpétuel s’il en a le caprice, prati-
        
        
          quer le
        
        
          management by walking around,
        
        
          ou mener sous la tente une vie
        
        
          aussi nomade qu’un bédouin : non seulement les résultats de l’entreprise
        
        
          ne seront pas affectés, mais son ouverture d’esprit, sa créativité et ses
        
        
          chances de multiplier les rencontres utiles n’en seront que stimulées.
        
        
          L’ubiquité concerne aussi les centres d’appels, les administrations, les
        
        
          capitales. Les pays, comme les entreprises, n’ont plus vraiment de centre.
        
        
          Pourvu que vous ayez un service efficace en ligne, le déplacement phy-
        
        
          sique vous fait gâcher inutilement un temps ou un carburant précieux.
        
        
          Ceci concerne également les magasins dont la façade Web ne cessera
        
        
          de se perfectionner au fil du temps en incluant progressivement des
        
        
          hologrammes et d’autres sens que la vue ou l’ouïe. Bientôt il sera même
        
        
          possible aux œnologues avertis (dont vous faites partie) de se rendre
        
        
          le soir à des dégustations de vins et d’y faire en direct la rencontre de
        
        
          connaisseurs africains, australiens, amérindiens ou sibériens, chacun
        
        
          devant l’écran de son terminal olfacto-gustatif.
        
        
          L’ubiquité concerne également les relations. À la saison des amours mais
        
        
          également tout le reste du temps (y compris les week-ends, le
        
        
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          er
        
        
          mai et
        
        
          le 11 novembre – je dirai même surtout le 11 novembre et plus parti-
        
        
          culièrement quand il pleut), rien ne vous est plus facile que de dénicher
        
        
          immédiatement un partenaire assorti. Le nouveau « Google Dating » se
        
        
          fait même fort de vous dénicher à la vitesse de l’éclair, au sein de l’uni-
        
        
          vers tout entier, le partenaire le plus assorti dans le cadre d’un ranking
        
        
          maximum, c’est-à-dire du rapport idéal en terme de disponibilité, de
        
        
          silhouette, de qualités de cœur et de qualités de tête. Vous vous baladez
        
        
          seul dans les rues de San Francisco. Votre iPhone vous informe des âmes
        
        
          sœurs errantes à la même heure dans le quartier. Quinze minutes plus
        
        
          tard vous voici dans un pub avec le (la) partenaire le (la) plus compatible
        
        
          économiquement, sociologiquement, psychologiquement, génétique-
        
        
          ment et même astrologiquement (si vous croyez encore aux astres).
        
        
          Avec les logiciels de traduction, les considérations linguistiques sont de-
        
        
          venues mineures. Rien ne s’oppose plus donc à ce que vous deveniez