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          D
        
        
          ictionnaire
        
        
          des mots
        
        
          en
        
        
          voie
        
        
          de
        
        
          disparition
        
        
          de base comme le marchandage du prix d’un sari sur un marché des
        
        
          Indes ou la recherche, par un routard, de la dernière chambre disponible à
        
        
          Ushuaia. Favorisé par la puissance économique de l’Angleterre au xix
        
        
          e
        
        
          siècle et de l’Amérique au xx
        
        
          e
        
        
          , le
        
        
          globish
        
        
          s’impose également par sa
        
        
          concision remarquable, son extrême modularité qui lui permet de créer
        
        
          facilement des agrégats de concepts :
        
        
          boy-friend, fish & chips, bed &
        
        
          breakfast.
        
        
          Le
        
        
          globish
        
        
          n’est peut-être pas la langue la plus facile du monde à acquérir.
        
        
          L’espéranto, l’indonésien ou l’espagnol lui sont peut-être supérieures de
        
        
          ce point de vue en raison de leur phonétisme transparent. Le gros défaut
        
        
          du globish est en effet que, comme le français, il s’écrit d’une façon et se
        
        
          prononce d’une autre. Il est bien difficile de prédire
        
        
          a priori
        
        
          que
        
        
          to like
        
        
          se prononce « tou laille-ke » tandis que
        
        
          to live
        
        
          doit se prononcer « tou
        
        
          li-veu ». D’autres mots comme
        
        
          enough
        
        
          ou
        
        
          temperature
        
        
          sont une torture
        
        
          pour un dentier nippon, une malédiction pour un bachelier français. Il
        
        
          n’est donc pas interdit de supposer que pour conserver son statut de
        
        
          langue universelle, le globish devra faire quelques concessions en se
        
        
          faisant un peu plus phonétique et par conséquent vocalique. Qui sait :
        
        
          avec un peu chance
        
        
          english
        
        
          deviendra « an-gue-lich » pour le plus grand
        
        
          bonheur et le plus grand repos des mâchoires internationales (nippones
        
        
          en particulier).
        
        
          D’autres langues sont à l’inverse plus rigoureuses. En terme d’efficacité
        
        
          technique et de précision drastique, rien n’égale l’allemand qui différencie
        
        
          très subtilement le
        
        
          hinausobenfahren
        
        
          (« rouler dans un véhicule en
        
        
          remontant une pente et en s’éloignant du locuteur »), le
        
        
          herausgehen
        
        
          (« marcher à pied en se rapprochant progressivement du narrateur ») :
        
        
          on est vraiment très loin du misérable « aller » français ou du « to go »
        
        
          anglais.
        
        
          Le globish, s’il n’est ni la plus précise ni la plus facile des langues, reste
        
        
          cependant un dialecte international acceptable, d’autant qu’avec la mon-
        
        
          dialisation, la langue a fait d’énormes progrès dans les écoles. Au début
        
        
          du xxi
        
        
          e
        
        
           siècle, la moitié des Terriens baragouinent peu ou prou le globish.
        
        
          Le globish est aujourd’hui ce que furent jadis le grec sur les rivages de la
        
        
          Méditerranée, le latin dans les universités d’Europe, le français à la cour
        
        
          des despotes éclairés.
        
        
          À quoi cela peut-il bien servir, pour un jeune Français, d’apprendre encore
        
        
          les fastidieuses déclinaisons allemandes ou pour un jeune Américain de