L'art de se faire des ennemis - page 132

à peu près au sien légèrement majoré. Inversement,
avec un interlocuteur au score complètement dispropor-
tionné, une relation durable est difficile.
Il y donc deux stratégies possibles si l’on veut balayer
définitivement son interlocuteur de son chemin :
La première consiste à se donner un score
épouvantable. On saborde son look extérieur.
On ne se lave ni les cheveux, ni les dents, ni les
ongles, on porte le doigt au nez, on s’étend sur
ses dettes, sa poisse congénitale, ses microbes
atypiques, son licenciement probable pour
insuffisance professionnelle ou son divorce
interminable pour insuffisance tout court.
La seconde, à l’inverse, consiste à écraser
l’interlocutrice sous une avalanche de points
hétéroclites. Vous venez chercher votre dernière
conquête (une aide-ménagère de cinquante ans,
divorcée et mère de quatre enfants) avec votre
dernière Jaguar (que vous aurez louée pour la
semaine). Vous l’emmenez au Plazza Athénée où,
après avoir cassé votre tirelire (le reste de votre
héritage), vous aurez préalablement réservé la
suite présidentielle. Pendant toute la soirée, vous
vous épanchez longuement sur vos diplômes,
votre amitié (toute platonique) avec Madonna,
votre expérience intéressante au comité de direc-
tion de Paribas et votre connaissance approfondie
des auteurs grecs du troisième siècle après Jésus-
Christ. Vous arrosez l’ensemble de Don Pérignon
1955 accompagné d’amuse-bouches multicolores
et vous regardez longuement votre compagne au
fond des yeux en essayant d’y lire un texte sur
microfilm.
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