L’art de s’accrocher à ce qui n’existe plus et de disparaître avec
        
        
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          bondance
        
        
          
            Conte
          
        
        
          Il était une fois une terre d’abondance. L’exploitation du pétrole à bas
        
        
          prix y mettait à la disposition de chacun une force de travail équivalente
        
        
          à celle d’une centaine d’esclaves. Cette situation durait déjà depuis des
        
        
          siècles quand on comprit qu’elle ne durerait pas éternellement. La panique
        
        
          fut rapide. Comme une grande peur s’était répandue tout autour de l’an
        
        
          mille, une grande frayeur se diffusa autour de l’an deux mille.
        
        
          On mangea moins. Les grandes surfaces, dont le secret résidait dans
        
        
          l’importation d’innombrables produits originaires d’horizons lointains,
        
        
          disparurent peu à peu de la surface de la Terre. Il apparut en effet évident
        
        
          que 95 % du coût d’un ananas Victoria était constitué de pétrole, qu’il
        
        
          s’agît de la récolte, du transport ou de la distribution. On se retourna vers
        
        
          les fruits et légumes de proximité et de saison. On vit réapparaître des
        
        
          marchés de village. Les surgelés disparurent peu à peu et, avec eux, les
        
        
          stocks de nourriture qu’on finit par jeter. On se remit à manger en flux
        
        
          tendu, à revivre de grignotage et de cueillette à la façon de nos ancêtres
        
        
          paléolithiques. La frugalité et la sobriété redevinrent des vertus.
        
        
          On voyagea moins. De nombreux travailleurs se mirent à télétravailler.
        
        
          On cessa progressivement d’utiliser sa voiture pour aller chercher une
        
        
          baguette à Carrefour. On renonça peu à peu à prendre l’avion pour
        
        
          occuper les vacances scolaires. On oublia les petits week-ends sympas à
        
        
          Marrakech. Il vous fallut apprendre ou réapprendre l’art de vivre bien là
        
        
          où vous habitiez. Vous redécouvrîtes l’existence de vos voisins et vous
        
        
          finîtes même avec le temps par leur trouver quelques attraits.
        
        
          Le terme d’abondance sortit du dictionnaire et fut remplacé par celui de
        
        
          qualité émotionnelle des instants vécus.
        
        
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