6
        
        
          D
        
        
          ictionnaire
        
        
          des mots
        
        
          en
        
        
          voie
        
        
          de
        
        
          disparition
        
        
          la sobriété. Cette culture nouvelle se trouvera en conflit frontal avec
        
        
          le fondement principal de l’idéologie occidentale depuis deux ou
        
        
          trois millénaires : le culte de la liberté individuelle. Les humains du
        
        
          futur devront être à la fois plus sobres, plus sages, plus responsables.
        
        
          Ni les prophètes de l’Ancien Testament ni les philosophes du siècle
        
        
          de Périclès n’eussent beaucoup apprécié.
        
        
          Le problème est que de telles mutations culturelles demandent beau-
        
        
          coup de temps. Et puis, on ne peut pas raser du jour au lendemain
        
        
          les villes américaines pour leur substituer des villes européennes
        
        
          denses en transports en commun. On ne peut pas convaincre en
        
        
          quelques années le genre humain à renoncer au droit à faire des
        
        
          enfants. L’évolution des cultures suit une progression arithmétique
        
        
          (1, 2, 3, 4…) quand l’évolution technologique, économique, démo-
        
        
          graphique croît en raison géométrique (1, 2, 4, 8…). Pour prendre
        
        
          une analogie avec le nénuphar qui double chaque jour sa surface
        
        
          dans l’étang : s’il a besoin de 90 jours pour couvrir la totalité de
        
        
          l’étang, son développement ne commence à être pris au sérieux
        
        
          qu’aux alentours du 85
        
        
          e 
        
        
          jour quand il n’occupe encore qu’1/32
        
        
          e
        
        
           de
        
        
          la surface. Mais il est déjà alors trop tard pour endiguer son dé-
        
        
          veloppement. Les mégamétamorphoses en cours impliquent une
        
        
          révolution culturelle aussi nécessaire qu’improbable dans le respect
        
        
          des échéances.
        
        
          Les solutions résident alors peut-être paradoxalement à l’échelle
        
        
          de l’individu à sacrifier. Un monde en mégamétamorphose ne
        
        
          saurait être favorable à celui qui ne saurait pas faire en lui-même
        
        
          la révolution permanente. Quand tout défile et se défile, quand les
        
        
          organisations se déconstruisent et les tissus se détissent, l’individu
        
        
          peut en revanche s’en sortir en devenant un expert en matière de
        
        
          révolution intérieure, un adepte de l’autodestruction créatrice.
        
        
          Comme dans le
        
        
          
            monde global
          
        
        
          tout est lié à tout, tous les concepts
        
        
          qui tapissent notre façon de penser peuvent d’ores et déjà être
        
        
          revisités et puis cassés afin d’être réinventés puis reconstruits dif-
        
        
          féremment. Plus que jamais l’homme en se défaisant se fera. Déjà,
        
        
          un grand nombre des notions implicites que nous manipulons quo-
        
        
          tidiennement n’ont plus de raison d’être. Bien des mots simples et
        
        
          ordinaires, bien des briques élémentaires de notre pensée, s’effritent