L'art de se faire des ennemis - page 42

À exiger une cicatrisation rapide et totale.
Sinon on va être méchant.
Très méchant.
Très très méchant.
Cette relation thérapeutique qui relie le malade au méde-
cin malgré lui ne peut rendre bienheureux ni le médecin
ni le malade. Le malade ne sera pas guéri. Quant au
médecin, il est plongé dans une situation absurde. On
plaque arbitrairement sur lui une image fonctionnelle
sans le mettre au courant, alors qu’il n’a rien demandé.
Ensuite de quoi, on lui reproche de ne pas s’y conformer.
Ainsi se terminent mal en général ces « histoires d’amour »
qui consistent à privilégier la relation au détriment de la
personne. L’échec était déjà là, posé depuis le premier
instant. On dit à l’autre qu’on l’aime, mais en fait on ne
l’aime pas, on ne le connaît même pas. Ce qu’on aime,
c’est un rêve d’enfant, un type de relation enfantine
supposé arbitrairement possible avec n’importe qui alors
qu’en fait il ne l’est peut-être avec personne. De là des
larmes inutiles et des nuits sans sommeil.
Dans ce type de relation, la véritable réussite, c’est l’échec
le plus rapide (et donc le moins coûteux), et le véritable
échec, c’est la réussite apparente et rapide.
L’amour vrai, celui qui dure et rend heureux, ressemble
beaucoup plus à de l’amitié qu’à de l’amour. Il met certes
beaucoup plus de temps à s’installer puisqu’il s’édifie
tout entier sur une estime sincère de la personne de
l’autre. Cette estime suppose la connaissance. Et la
connaissance exige du temps. Cette connaissance et cette
estime, une fois conquises, interdisent à leur tour
les fantasmes. Et en ce sens, aimer et être amoureux
s’excluent mutuellement. En revanche son objectivité est
un gage de durée mais aussi de bonheur. Bonheur de se
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