L'art de se faire des ennemis - page 147

INTERLUDE
Je suis né en 1961. Selon les statistiques, j’ai une espérance
de vie d’environ 80 ans. J’envisage donc ma mort aux
environs de l’an 2041. Ma vie sera donc centrée presque
exactement sur l’an 2000. Autour de l’an 1000, il y avait eu
une espèce de grande peur, de panique collective. Certains
pensaient que ce serait la fin du monde. Il n’en a rien été.
L’an 1000 ne correspondit à aucun changement majeur, du
moins en Occident.
Il n’en est pas de même de l’an 2000. Ce mythe de l’an 2000
qui a bercé toute la première moitié de ma vie, correspond
à un séisme technologique, économique, social et
culturel. Ce séisme peut se résumer en une phrase courte et
simple : le coût de l’information, de sa transmission, de son
stockage et de son traitement s’effondre au point de tendre
vers la gratuité. Quand je suis né, le coût de stockage, de
transmission ou de traitement d’un mégaoctet d’information
numérisée (c’est-à-dire l’équivalent d’un gros livre de poche)
coûtait environ, en euros constants, un milliard de fois
plus cher qu’il n’en coûtera le jour où je rendrai le
dernier soupir. À partir de là, tout devient différent : l ‘éco-
nomie, la société, les valeurs, la gestion de sa propre vie.
Je voudrais, dans ce chapitre, réfléchir avec vous à une des
conséquences les plus dangereuses de ce tremblement de
terre, ce que nous appellerons la «
Captivité
».
La tendance à la gratuité de la diffusion de l’information
engendre un matraquage médiatique impitoyable. Toutes les
organisations qui ont de par le monde quelque chose à
vendre ou à diffuser, depuis les sectes du Japon jusqu’aux
multinationales américaines en passant par tous les commer-
çants d’Europe occidentale ou d’Asie du sud-est n’attendent
qu’une chose, pour venir s’exhiber sur notre téléviseur, que
les tuyaux soient installés en nombre suffisant. Notre seuil de
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