L'art de perdre son temps - page 55

certains pays, comme l’Argentine, le pouvoir appartenait
aux grands propriétaires terriens que l’on appelait aussi,
souvent, les «
nobles
».
Dans la civilisation industrielle, celle qui s’est terminée en
France dans les années 1970 et qui perdure dans un
grand nombre de mégalopoles de pays en voie de déve-
loppement, le pouvoir appartenait aux détenteurs du
capital industriel et donc financier (il faut de gros inves-
tissements pour acheter des machines) : ceux que Marx
appelait les «
Capitalistes
».
Dans la période actuelle (en France, dans les années
2000), période intermédiaire entre la civilisation indus-
trielle et la civilisation interactive que nous appelons la
« Crise », précisément parce qu’elle est un état instable et
intermédiaire, le pouvoir appartient de moins en moins
aux détenteurs du capital industriel ; il n’appartient pas
encore réellement aux experts.
En effet, Internet n’en est encore qu’à sa préhistoire, et il
est bien difficile à un écrivain qui vient d'écrire une
œuvre de génie de le faire savoir au monde entier s'il n'a
pas de « relations » et s’il ne maîtrise pas le langage des
médias.
Car aujourd’hui l’écrivain le plus connu, comme le cuisi-
nier le plus connu, n’est pas nécessairement le meilleur
écrivain, ni le meilleur cuisinier : c’est le plus « média-
tique ». La préfiguration des fameuses « autoroutes de
l’information », c’est une juxtaposition de médias très
puissants mais très grossiers, qui ne fonctionnent que
dans un sens et qui ne véhiculent en quantité massive
qu’une dose minuscule d’information, sélectionnée
d’abord pour son côté spectaculaire.
Audimat oblige !
L’écrivain ou le cuisinier le plus connu, faute d’être lui-
même directement médiatisé, peut l’être indirectement
et d’en faire perdre aux autres
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